22 juill. 2010 - 16:52
Je rappelle que, dans cette partie de l’Afrique occidentale, l’évangélisation est intervenue pratiquement en même temps que la conquête des territoires par la France, c'est-à-dire entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle. Et parmi les activités menées par les pionniers de l’évangélisation comme les Pères Blancs qui ont fondé à Koupéla la première mission au Burkina, figure l'Ecole. En effet, ainsi que le rappelle avec beaucoup de justesse le professeur Maxime Compaoré, dès leur implantation dans le pays, les missionnaires se sont intéressés à l’École comme un moyen d’éducation et d’évangélisation. Mais cette histoire n'a pas été celle d'un long fleuve tranquille car, on ne le sait pas toujours, ils ont été tantôt soutenus, tantôt combattus. C'est cette histoire que présente avec beaucoup d'archives, le professeur Maxime Comparoré, de 1900 à 2000.
Pour lui, cette histoire se déroule en trois grandes périodes: la première période, celle de l'AOF, entre 1900 et 1958, la seconde, celle de la République de Haute-Volta (1958-1983) et enfin celle du Burkina Faso (1983-2000).
L'école catholique pendant la période coloniale
Durant la première période qui est celle de la colonisation, suite à la réglementation de l’enseignement privé en Afrique occidentale française, les missionnaires se sont officiellement investis dans l’éducation à travers l’École, en fonction des besoins de leur mission et du personnel qualifié disponible pour assurer l’enseignement. Grâce à la Conférence de Brazzaville (1944), des subventions ont été accordées à l’enseignement privé, lui permettant ainsi un développement de l’œuvre scolaire missionnaire au Burkina Faso.
Alors que la première école publique « indigène » est créée au Burkina en 1895 à Bobo-Dioulasso, celle de Ouagadougou est créée quatre ans plus tard. Ces écoles sont dirigées par des officiers et sous-officiers de l'armée française qui assurent en même temps les cours, mais restent beaucoup plus préoccupés par leur fonction de soldat. Le contenu est beaucoup plus axé sur l'apprentissage de la langue française. Dès 1902, les choses se normalisent: d'une part, le premier instituteur civil arrive à Bobo en 1904, d'autre part, les Pères Blancs ouvrent à leur tour des écoles catholiques. Et très vite, le mouvement de création des écoles va s'amplifier. Alors qu'en 1919, la Haute-Volta comptait 4 écoles régionales à 3 classes et plus, 2 écoles de village à 2 classes et 11 écoles de village à une classe, en 1948, elle dispose de 70 écoles primaires mixtes dont 20 écoles privées catholiques, de 10 écoles de filles dont 7 privées catholiques, de 3 collèges modernes et d'un cours normal pour la formation des instituteurs à Koudougou. En 1960, le volume des écoles qui va doubler est déjà victime des mêmes problèmes que rencontre aujourd'hui le système éducatif de beaucoup de nos pays: effectifs pléthoriques, mobilier insuffisant, matériel pédagogique insuffisant et inadapté, personnel peu formé et programmes inadaptés.
L'école catholique pendant les premières décennies de la Haute-Volta indépendante (1960-1983).
Les difficultés apparues pendant la première décennie de l’indépendance ont plongé l’enseignement catholique dans une série de crises et ont contribué à en ralentir le développement dans sa composante primaire. La persistance de la crise amena les évêques à renoncer à la gestion des écoles primaires catholiques dès la rentrée scolaire d’octobre 1969.
Entre 1969 et 1990, l’enseignement catholique n’a existé qu’à travers les établissements d’enseignement secondaire, essentiellement organisés par les congrégations religieuses. Dans le souci de mieux coordonner les négociations avec les structures étatiques, les chefs d’établissements ont créé en 1969 l’Union nationale des établissements catholiques secondaires (
UNEC)
. Malgré les difficultés rencontrées, cette structure a constitué le principal interlocuteur de l’État pour toutes les questions d’ordre scolaire.
La décision des évêques de renoncer à la gestion des écoles primaires ne fut guère appréciée par la population, car elle marquait une rupture majeure. De nombreux parents d’élèves (catholiques et non catholiques) accordaient une grande confiance aux écoles catholiques qu’ils considéraient comme des structures d’éducation sérieuses, favorisant l’épanouissement des enfants et assurant de bons résultats scolaires. Ils désapprouvaient cette décision. Pour beaucoup d’entre eux, c’était une démission de l’épiscopat face à l’une des missions premières de l’Église catholique. Cependant, ce manque fut progressivement comblé par le développement de l’enseignement privé laïc, et l’Église catholique perdit sa position stratégique, ce qui fut préjudiciable pour une bonne organisation scolaire.
En 1990, après plus de vingt ans d’absence, l’Église catholique a effectué son bilan et souhaité se repositionner dans l’enseignement primaire. Soucieuse d’impliquer toutes les structures de base de l’Église, elle a donc organisé une réflexion nationale sur le sujet. Dans le même temps, des négociations ont été engagées avec l’État et avec les autres acteurs du système éducatif sur le rôle et la place de l’enseignement catholique. L'Etat a alors donné son accord, notamment devant les nombreux problèmes qu'il rencontrait dans le secteur éducatif. En effet, la faible progression du taux de scolarisation ne lui permet pas de réaliser « l’Éducation pour tous », prônée par les institutions internationales et les acteurs politiques et sociaux. Ce faible taux de scolarisation interpelle tous les protagonistes du système éducatif. Devant cette situation, afin de répondre plus efficacement à la forte demande scolaire, l’État, conscient de ses limites, autorise l’ouverture d’établissements privés laïques et confessionnelles.
Pour l’année scolaire 2000-2001, les statistiques du ministère de l’Éducation de base et de l’Alphabétisation (meba) enregistraient 196 écoles laïques privées, 54 écoles protestantes, 75 écoles catholiques et 264 médersas. Dans l’environnement scolaire burkinabè comme dans de nombreux pays africains, les écoles catholiques font donc partie des écoles privées dites confessionnelles. Ces écoles sont généralement prisées par les parents d’élèves qui n’hésitent pas à y inscrire leurs enfants, malgré le caractère confessionnel, d’autant que la disparition des écoles primaires catholiques avait de fait contribué à réduire l’offre scolaire et surtout sa diversité.
Ainsi, d'hier à aujourd'hui, selon le professeur Compaoré, pour l’Église catholique, l’École est, à n’en point douter, un moyen privilégié pour assurer la transformation de la société burkinabè, mais elle est également un terrain d’apostolat.
Qui est Maxime Compaoré?
Maxime Compaoré est chercheur en histoire à l'Institut national des sciences de la société du Centre national de la recherche scientifique et technologique (CNRST) du Burkina. Il est d'ailleurs le directeur du département des Sciences de l'éducation de cet institut.
Bonaventure Mve Ondo, Vice Recteur de l'AUF