22 juill. 2010 - 16:14
Mahamadé Savadogo se définit lui-même comme le « penseur de l'engagement ». C'est-à-dire celui qui relie les deux concepts opposés que sont la pensée et l'engagement. Pour lui, alors que la pensée est d'abord ouverture, c'est-à-dire la capacité de concevoir la réalité dans sa diversité, l'engament est attachement à une cause. Cette distinction, il la reprend de Max Weber dans Le Savant et le politique où ce dernier oppose l'éthique du savant, faite de neutralité, et celle de l'homme politique, faite au contraire de conviction, de détermination et d'attachement à une cause.
Mais alors, on peut pousser la question plus loin ou la rendre plus radicale : ceux qui s’engagent ne pensent-ils pas ? et ceux qui pensent ne désirent-ils pas que leurs pensées puissent se traduire en actes ?
Pour le Pr Mahamadé Savadogo, ces interrogations doivent justement amener à relativiser l’opposition. C'est ainsi qu’on aboutit à une unité de la pensée et de l’engagement. Ceci pour signifier que c'est dans la pensée que se révèle le sens de l’action. Dans cette vision, Platon et Aristote ont par exemple placé la theoria (pensée) au dessus des buts de l’existence humaine. Pour eux, la pratique morale a son importance. Mais ils considèrent qu’au sommet de la hiérarchie des buts se trouve la contemplation.
Le Pr Mahamadé Savadogo cite également Hegel pour qui la politique est une dimension de la philosophie. Tout en précisant que le but suprême de la philosophie (la vertu), ne se trouve pas dans la politique. Mais dans les formes absolues de la vérité parmi lesquelles se retrouve l’art. D’autres penseurs comme Marx rejettent toutefois cette vision hégélienne en la qualifiant d’idéaliste. Pour Marx, la vérité du penseur ne peut se limiter à la pensée. Celui-ci devrait nécessairement passer par la pratique avant d'élaborer toute théorie. Autrement dit, pour Mahamadé Savadogo, la théorie doit être subordonnée à l’action et mieux encore, toute théorie est engagée. Pourquoi ? Parce qu’elle s’inscrit dans une société et qu’elle est le produit des contradictions sociales à l'oeuvre dans cette même société.
Cependant le Pr Mahamadé Savadogo fait une distinction de taille entre « l’engagement subi » et « l’engagement conscient ». Ce dernier étant un choix raisonné et conscient en faveur d’une cause. Et si on poussait plus loin la réflexion ? Au lieu de penser l’engagement, ne peut-on pas engager la pensée elle-même ? Une éventualité qui amène le Pr Savadogo à parler de « l’inscription de l’engagement dans la pensée ». Il mentionne de ce fait que l’engagement est inscrit dans la pensée elle-même. Ainsi, avance-t-il, « La vérité qui est recherchée dans la pensée a besoin d’être traduite dans la vie. Il n y a pas de vérité sans militants de la vérité. Cette vérité est vécue dans une attitude de proclamation. Elle fait du militant, un élu ». Cette recherche de vérité, cet engagement, doivent alors reposer sur des valeurs de loyauté, de sincérité et de justice.
Qui est le professeur Mahamadé Savadogo?
Mahamadé Savadogo fait partie de la nouvelle génération de professeurs africains de philosophie après celle des aînés comme Marcien Towa, Paulin Hountondji, qui cherchaient, entre autres, à penser les relations entre philosophie et Afrique. C'est un philosophe talentueux et dynamique qui enseigne la philosophie morale et politique et l'histoire de la philosophie moderne et contemporaine à l'Université de Ouagadougou.
Il est né le 28 juin 1963 à Ouahigouya au Burkina Faso. Marié, père d’une fille, il parle non seulement deux langues d'Afrique de l'Ouest le mooré et le dioula, mais encore le français, l'anglais et l'allemand. Il a fait ses études secondaires au Lycée Philippe Zinda Kaboré de Ouagadougou de 1975 à 1982. Après l'obtention du baccalauréat, il s'inscrit à Hypokhâgne et Khâgne au Lycée La Bruyère de Versailles et au Lycée Lakanal de Sceaux. En 1988, il est admis à l'agrégation de philosophie et au CAPES et obtient, en 1922, son doctorat de philosophie à l’Université Paris IV Sorbonne. En 1993, il est recruté comme enseignant-chercheur à l’Université de Ouagadougou et devient, de 1997 à 2000, Chef du département de philosophie et psychologie et, de 2000 à 2001, Vice-Doyen chargé de la recherche et de la vulgarisation.
Il assure les fonctions de responsable de la formation doctorale en philosophie et de Directeur de Publication de la revue Le Cahier Philosophique d'Afrique qu'il a fondée en 2002. Il est professeur titulaire à l’Université de Ouagadougou. Il a été professeur invité dans de nombreuses universités africaines et occidentales. Et c'est dans ce cadre qu'il a bénéficié des missions d'enseignement que l'AUF réalise au profit des universités africaines, mais aussi des autres appuis à la mobilité des enseignants et chercheurs pour participer à des colloques et conférences dans le monde.
Il a publié plusieurs ouvrages dont les plus connus sont:
Philosophie et existence, 2001,
La parole et la cité : Essais de philosophie politique, 2002
Philosophie et histoire, L'Harmattan 2003
Éric Weil et l'achèvement de la philosophie dans l'Action, 2004
Esquisse d'une théorie de la création, Presses Universitaires de Namur, Belgique 2005
Pour une éthique de l’engagement, Presses Universitaires de Namur, Belgique, 2007 (repris et enrichi d’un chapitre en 2008).
Création et existence, Presses universitaires de Namur, Belgique, 2009.
Bonaventure Mve Ondo, Vice Recteur de l'AUF