Honorine NGOU ou la littérature au service des nouveaux rapports homme-femme au Gabon

 

En se définissant comme « femme militante », cette enseignante de littérature française à la Faculté des Lettres et sciences humaines de l'Université Omar Bongo de Libreville souligne que, au-delà des questions strictement littéraires, la littérature est un instrument au service des nouveaux rapports homme-femme au Gabon.

 

 

Pour le démontrer, Honorine Ngou commence par l'analyse des rapports homme-femme ou plutôt de la situation de la femme dans la société traditionnelle gabonaise. Et pour ne pas parler au hasard, elle fait parler les femmes de l'ethnie fang de la génération de sa mère. Dans cette société, le mariage n'est pas initialement un acte d'amour, mais le lieu de la violence. Il est imposé à la fille parce qu'il est d'abord l'affaire de deux familles. Et c'est la famille, représentée par le père qui choisissait l'époux ou l'épouse sans tenir compte de l'avis des premiers intéressés.
« On m'a mariée très jeune, je devais avoir 6ans. Je me souviens encore de cette époque. Je revenais de la rivière avec ma soeur, j'ai trouvé plein d'hommes au corps de garde. Mon père était assis au beau milieu de ces gens. Quand il m'a vue, je l'ai entendu dire à ceux qui étaient autour de lui: « Voilà la personne dont je vous ai parlé ». J'étais loin de me douter qu'on était en train de marier et que mon mari versait tout simplement la dot à mon père ». Voilà l'un des témoignages du livre à succès de Mme Ngou Honorine: Mariage et violence dans la société traditionnelle Fang au Gabon qu'elle a publié en 2007.
Dans la société traditionnelle, de tels mariages avaient lieu pour affirmer la domination masculine et aussi pour des affaires d'argent, les pères ayant besoin d'argent. De tels mariages, selon Mme Ngou et surtout d'après les nombreux témoignages de son livre, ne sont pas des mariages d'amour, la femme n'étant considérée que dans sa fonction reproductrice. Elle note pourtant ceci: « les femmes d'hier, en dépit de leurs couples mal assortis et des vexations de toutes sortes, sont restées mariées pour leurs enfants », qu'elles appellent leurs « Soleils ». Mais il est évident que cette situation favorisait la polygamie. Le rôle de la femme n'était pas d'aller à l'école ou d'avoir un travail en dehors de ses obligations ménagères.
De nos jours, Honorine Ngou constate « le nombre élevé des divorces » et l'analyse comme une conséquence de la fin du mariage imposé. Mais selon elle, la situation n'est pas si rose: « le matérialisme », « la prostitution, l'argent, les mariages fondés sur les spéculations ». « Trop d'indépendance à l'égard du cadre familial est un terrain fertile à l'anarchie, à des erreurs parfois regrettables ».
 
Au-delà de ce livre de témoignages, Mme Honorine Ngou a publié un roman, Féminin interdit, dans lequel elle raconte l'histoire de Dzibayo. Dzibayo est la fille d'un quinquagénaire, Dzila qui, n'ayant jamais été père, épouse une adolescente et désire ardemment avoir un fils. Mais sa jeune femme accouche d'une fille. C'est la consternation. Dzila rejette tout ce qui est féminin en sa fille et lui donne un nom mixte : Dzibayo (cela vaut-il la peine de lui donner un nom ?). Il lui inculque les qualités morales habituellement considérées comme viriles et lui interdit les tâches féminines. »
La détermination de Dzila de faire de sa fille une enfant sûre d'elle-même et indépendante, conduit Dzibayo à l'école puis au lycée et enfin à l'université, mais le savoir acquis par la jeune femme au cours de ses études ne la met pas à l'abri des obstacles semés sur son chemin et c'est sa détermination et sa force de caractère, davantage que son éducation, qui lui permettent de sortir victorieuse des situations les plus difficiles.
 
On le voit, l'oeuvre d'Honorine Ngou s'inscrit dans la tradition de la libération de la femme, non pas pour rejeter l'homme, mais pour bâtir un monde plus égalitaire. Elle milite pour que le mariage dans la société moderne devienne vraiment le lieu d'une rencontre vraie, la rencontre librement choisie entre un homme et une femme, une rencontre toujours à construire et à reconstruire.
 
Qui est Honorine Ngou?
 
Née en 1957 à Meyo Eba (Gabon), Honorine Ngou est enseignante de littérature française à la faculté des Lettres et Sciences humaines de l'Université Omar Bongo à Libreville. Elle est aussi l'auteur d'un essai: Quatorze clés pour réussir son couple (Maison gabonaise du livre, 2003) et d'un manuel : Pratique du français : pièges et difficultés (Editions Raponda Walker, 2004).
Elle est l'aînée (la locomotive) de 8 sœurs et 2 frères, qu'elle a tous appuyé pour qu'ils fassent des études et accèdent ainsi pleinement à leur liberté. Confirmant ainsi son engagement.
 
Remarquable par ses nombreux talents comme par ses joutes oratoires ou par son engagement social, Mme Honorine Ngou est le modèle de la femme gabonaise tant elle a su opérer la synthèse, dans sa vie de tous les jours, entre tradition et modernité.
 
Bonaventure Mvo Ondo, Vice Recteur de l'AUF
 

 

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